Les jours passés je vous ai posté quelques billets de Dordogne, dont je suis originaire. Mon retour au pays a été l’occasion d’approfondir ma connaissance du caviar dont je vous parlais dans un récent billet et surtout d’en savoir plus sur le caviar d’Aquitaine. Un commentaire sur mon blog m’avait plus particulièrement accrochée, il sentait le professionnel. J’ai ainsi découvert qu’une 3ème entreprise dédiée à la production du caviar s’était implantée en Dordogne.
Et c’est son PDG et créateur, Laurent Deverlanges, qui partageait sur mon blog son expertise et son expérience. Il a créé sa société en 2011, en reprenant des bassins existants à Neuvic (à une vingtaine de kms de Périgueux). C’est ainsi qu’est née la 6ème entreprise d’Aquitaine à produire du caviar.
Bonne occasion pour le rencontrer et visiter ses installations. Cap sur Neuvic. La propriété s’étire sur 19 ha entre la rivière l’Isle et le Vern. De beaux bâtiments XVIIème – XVIIIème sont en cours de restauration.
Restons dans l’histoire. La première recette de caviar en France daterait de la fin du XIXème. Puis vers 1920, les exilés Russes contribuent à l’engouement et notamment une princesse Russe de la famille Romanoff qui transmet la recette du caviar. Son étourderie – elle oublia son parapluie- a donné le nom à la première marque de caviar français : « Parapluie de poche ». Avant cela le tsar avait offert à Louis XV du caviar, ce dernier l’aurait recraché ; précisons que tous les mets étaient alors sucrés, et que le caviar, salé, allait à l’encontre des habitudes gustatives de l’époque.
Les esturgeons étaient nombreux dans les années 1915-1920 dans la Garonne, la Gironde (son estuaire), la Dordogne, l’Isle et la Dronne. Leur décroissance s’est accélérée à partir des années 50-60. A cette époque on se faisait encore une tartine de caviar pour le goûter sur les bords de la Gironde. La filière a été relancée en France dans les années 80, d’abord pour l’esturgeon lui-même puis pour le caviar dont le premier a vu le jour en 1988. Aujourd’hui, la France (6 producteurs en Aquitaine et 1 en Sologne) et l’Italie sont les premiers producteurs mondiaux. Il n’y a plus de caviar sauvage –légal-, que ce soit en France ou dans le monde.
L’entreprise de Laurent Deverlanges est en développement, en témoignent les bassins en construction. La production annuelle prévue pour 2013 est de 1 tonne, à terme il vise les 6 tonnes. Les premiers esturgeons ont été achetés adultes pour permettre une production dès la 1ière année. Le peuplement et la montée en production sont progressifs, à raison de 21 à 22000 poissons par an qui donneront 9000 femelles, compte tenu de la mortalité et une fois le sexage réalisé, par échographie, à l’âge de 3 ans.
Les esturgeons sont à maturité et fournissent le caviar à partir de 6-7 ans. Les femelles sont alors transférées dans les bassins d’affinage. Une échographie, faite sur place, permet de détecter si elles portent des oeufs, et leur taille. Les poissons sont conduits au lycée agricole de Périgueux pour prélèvement des oeufs et préparation du caviar. Ils pèsent alors environ 7kgs dont 10% de caviar. Cette étape est réalisée uniquement entre novembre et mai, quand la température de l’eau est à 16° maxi (risque de maladie au delà).
Les projets ne manquent pas : réalisation de l’étape de prélèvement des oeufs sur place, participation aux recherches en cours pour tenter de prélever les œufs sans tuer le poisson et, avec d’autres professionnels, réflexion sur une IGP (Indication Géographique Protégée) sur le caviar d’Aquitaine.
Après la visite, une dégustation m’est proposée. Le caviar servi est délicat, iodé sans être trop salé, au goût de beurre et de noisette. Il est d’une jolie couleur ambrée. Les grains sont fondants, caractéristique du caviar frais, par opposition au pasteurisé plus craquant, se conservant plus longtemps (c’est comme le fromage, rien à voir entre le frais et le pasteurisé). C’est le « Caviar de Neuvic ».
La production et la commercialisation du « Caviar de Neuvic » est pour l’instant limitée. Son lancement officiel est prévu en septembre 2013. On le trouvera sur internet, dans des restaurants, d’autres points de distribution seront alors dévoilés.
Voilà encore une illustration de filière courte. En tout cas pour ce mets d’exception, forcément onéreux, si vous voulez vous faire plaisir autant acheter un bon caviar, frais, plutôt que pasteurisé, et bien fait.
Caviar de Neuvic – http://caviardeneuvic.com/